Les Etats-Unis font le forcing dans les coulisses du Conseil de sécurité pour imposer un projet de résolution sur le Sahara occidental qui consiste à faire du plan d’autonomie marocain « la seule base » de négociation entre les parties en vue mettre fin à un conflit vieux de 50 ans. Le plan américain qui viole le principe du droit à l’autodétermination tel que stipulé dans le droit international est présenté comme un plan visant à instaurer la paix et à réconcilier le Maroc et l’Algérie. Mais la marginalisation de fait du principal concerné, à savoir le peuple sahraoui représenté par le Front Polisario, risque de constituer un nouveau facteur d’escalade et de tension dans la région susceptible de déraper vers un conflit régional de grande ampleur.
La tentative américaine d’enterrer l’option du référendum au Sahara occidental
Depuis plusieurs jours, la délégation américaine ne cesse de manœuvrer dans les coulisses du Conseil de sécurité pour imposer un projet de résolution validant la thèse marocaine en faveur d’une large autonomie au Sahara occidental. Pire, le texte américain n’hésite pas à présenter l’option de l’autonomie comme « seule base de négociation » entre les parties concernées en vue de mettre fin au conflit du Sahara occidental (1) En tentant de contourner l’idée du référendum qui demeure au centre des efforts des Nations Unies en vue de régler la question, les Etats-Unis, membre permanent du Conseil de sécurité, tourne le dos au principe de l’autodétermination tel qu’il est reconnu par le droit international, principe qui vient pourtant d’être réaffirmé solennellement par la 4e Commission des Nations Unies qui a réitéré dans sa dernière résolution la position juridique attestant que la question du Sahara occidental demeure une question de décolonisation (2)
Comment expliquer cette tentative américaine de passer en force au mépris du droit international ? Le facteur Trump est y pour quelque chose. Dans sa course au prix Nobel de la paix, Donald Trump n’est pas à une fanfaronnade près. IL prétend devant qui veut l’entendre avoir mise fin à huit conflits en neuf mois non sans prendre des libertés avec une réalité géopolitique qui refuse décidément d’obéir à ses fantasmes. On sait ce qui advient et on imagine ce qui risque d’advenir de la « paix par la force » de Trump à Gaza lorsque les protagonistes devront passer à la délicate seconde étape qui devrait suivre un fragile cessez-le-feu que l’armée israélienne n’a pas hésité à violer plusieurs fois durant ces derniers jours. En lançant son plan de paix et de réconciliation entre l’Algérie et le Maroc, quitte à sacrifier la cause du peuple sahraoui, Trump peut se targuer d’avoir mis fin à un neuvième conflit.
Mais au-delà du facteur Trump, le soutien américain au plan marocain d’autonomie au Sahara occidental s’inscrit dans un dessein géopolitique plus vaste. D’une part, il s’agit de consolider la position géopolitique du Maroc, principal allié hors-Otan dans la région, que les stratèges américains considèrent comme la clé de la « pax americana » dans la région d’Afrique du nord et du Sahel. D’autre part, en mettant la pression sur l’Algérie, Washington espère l’intégrer progressivement à sa stratégie sécuritaire régionale et l’arracher définitivement à l’influence russe, en exploitant notamment les frictions apparues récemment entre Moscou et Alger dans la gestion des crises du Sahel.
Il n’en demeure pas moins que les Etats-Unis jouent gros sur ce dossier et rien ne permet de penser qu’ils gagneront sans difficultés leur pari. Les réactions des différents acteurs internationaux et régionaux concernés ne laissent guère de doute à ce sujet.
Le Front Polisario rejette toute solution qui ignore le droit à l’autodétermination
Le Front Polisario, seul représentant légitime du peuple sahraoui dans l’arène internationale, ne pouvait accepter cette tentative de passer outre la légalité internationale qui revient à enterrer le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination. Dans une lettre adressée au secrétaire général de l’Onu, le président de la RASD, Ibrahim Ghali, a présenté une proposition élargie en vue de sortir de l’impasse dans laquelle se trouve ce conflit qui dure depuis 50 ans. « Cette proposition vise à permettre au peuple sahraoui d’exercer son droit inaliénable à l’autodétermination par le biais d’un référendum supervisé par les Nations Unies et l’Union africaine (UA), et à exprimer la volonté de l’Etat sahraoui de négocier avec le Royaume du Maroc en vue de l’établissement de relations stratégiques et mutuellement bénéfiques entre les deux pays », ajoute le communiqué. Brahim Ghali souligne qu’en présentant sa proposition élargie, « le Front Polisario demeure disposé à partager les ‘coûts de la paix’ avec l’autre partie, si celle-ci en a la volonté politique, en vue de parvenir à une solution juste, pacifique et durable qui garantisse l’autodétermination du peuple sahraoui et rétablisse la paix et la stabilité régionales, conformément aux buts et principes de la Charte des Nations Unies et aux objectifs et principes de l’Acte constitutif de l’Union africaine »
Brahim Ghali souligne que « le Front Polisario est fermement convaincu qu’une solution pacifique, juste et durable au conflit du Sahara occidental, conformément aux principes pertinents du droit international, est non seulement urgente, mais également possible, à condition de l’existence d’une réelle volonté politique de s’éloigner du statu quo et des solutions imposées unilatéralement, ainsi que le courage politique et la clairvoyance nécessaires pour œuvrer ensemble à une paix globale et durable, et à la construction d’un avenir commun fondé sur le respect mutuel, le bon voisinage et la coopération ». Dans cet esprit, le Président de la RASD réitère « la volonté du Front Polisario d’engager des négociations directes et sérieuses avec le Royaume du Maroc, de bonne foi et sans conditions préalables, sous les auspices des Nations Unies, sur la base de l’esprit et du contenu de la proposition élargie, en vue de parvenir à une solution pacifique et durable, prévoyant l’autodétermination du peuple sahraoui conformément aux résolutions pertinentes de l’ONU et rétablissant la paix et la stabilité régionales » (3)
La « proposition élargie » du Front Polisario est d’autant plus méritoire dans ce contexte qu’elle semble ouverte à toute négociation sans préalable afin de sortir de l’impasse dans laquelle l’entêtement du Maroc a conduit le processus de décolonisation pourtant réaffirmé à maintes reprises par les Nations Unies. Les défenseurs du plan de « paix » de Trump arguent du fait que la MINURSO n’a pas réussi, tout long de ces 30 dernières années, à s’acquitter de sa mission – l’organisation d’un référendum d’autodétermination – et qu’il fallait donc tenter de débloquer la situation. Ce faisant, les partisans de cette position feignent d’ignorer que c’est le Maroc qui a constamment empêché l’organisation d’un tel référendum sous divers prétextes fallacieux et ce, de l’avis de tous les émissaires du secrétaire général de l’ONU chargés de mettre en oeuvre les résolutions onusiennes. Ainsi, au lieu d’obliger le Maroc à honorer ses engagements internationaux pris lors du cessez-le-feu de 1991, Washington se résigne à conclure que l’option du référendum n’est plus possible. Le plan américain qui revient de fait à enterrer l’option du référendum ne constitue pas seulement une violation du droit international mais aussi une sorte de récompense à l’occupant marocain qui n’a pas hésité à se comporter comme un Etat voyou en utilisant le chantage à l’immigration pour faire plier ses partenaires européens (surtut l’Espagne), l’économie de la drogue (qui constitue selon les chiffres de l’Onu environ 16% du PIB marocain), le noyautage des institutions de plusieurs pays européens via des lobbies politico-financiers (les mêmes qui soutiennent l’Etat colonialiste d’Israël) et l’instrumentalisation de la communauté marocaine établie en Europe.
L’ Algérie ne se laissera pas convaincre facilement
Principal soutien du Front Polisario dans la région, l’Algérie voisine, qui abrite quelques 175 000 réfugiés sahraouis sur son territoire (Tindouf), continue d’être un acteur directement concerné par le conflit qui se déroule à ses frontières. Pour des raisons à la fois doctrinales ( le soutien au principe du droit à l’autodétermination des peuples fait partie de l’ADN de la diplomatie algérienne) et géopolitiques, l’Algérie n’acceptera pas sans résistance ni condition le fait accompli de l’occupation d’un « territoire non autonome » à ses frontières par une puissance occupante qui ne cache pas, par ailleurs, ses appétits annexionnistes sur une partie du territoire algérien (Les trois wilayas de Bechar, Tindouf et Adrar font partie de la carte du « grand Maroc ») .
Tant que le projet de texte de la délégation américaine est resté secret et sujet à amendement, l’Algérie n’a pas réagi officiellement. Mais des personnalités publiques ainsi que des médias algériens se sont exprimés sur le sujet et ont, sans surprise, rejeté catégoriquement la tentative américaine (soutenue par les autres puissances occidentales) de contourner le droit international. Abdelaziz Rahabi, ancien ambassadeur et ancien ministre algérien, soutient que « les USA ont mis tout leur poids pour organiser une vaste opération dont l’objectif est de présenter le problème sahraoui comme un différend algéro-marocain, légitimer l’occupation du Sahara Occidental, aider à stabiliser leur allié marocain et enfin proposer au Polisario une large autonomie ou même une partie de son territoire historique sans consultation du peuple ». L’initiative américaine s’inscrit selon Rahabi dans le cadre d’une tentative de « s’implanter au Sahel une vaste zone de non-droit qui montre une grande instabilité et représente une réelle menace terroriste. » L’ancien diplomate algérien conclut qu’ « Il est difficile de croire que les problèmes de notre région se règleront sur le modèle moyen- oriental à coup d’équilibres précaires, de promesses financières, de diplomatie transactionnelle et d’effets d’annonce. Sans des négociations directes et inconditionnelles sous l’égide de l’ONU entre le Polisario et le Maroc, il est irréaliste de croire à une solution juste, durable et définitive de la question sahraouie. » (4)
Par ailleurs, le ministre algérien des affaires étrangères, Ahmed Attaf, s’est entretenu avec ses homologues russe et chinois. La dépêche officielle qui a rendu compte de l’entretien téléphonique entre Ahmed Attaf et Sergueî Lavrov a explicitement cité la question du Sahara occidental parmi les sujets abordés : « Les deux ministres ont procédé à « un échange de vues sur les principales questions inscrites à l’ordre du jour du Conseil de sécurité, au cours de la présidence russe de cet organe central des Nations unies, à leur tête la question de la décolonisation du Sahara occidental, et au sujet de laquelle une résolution est attendue avant la fin du mois ».(5) Idem en ce qui concerne l’entretien téléphonique entre Ahmed Attaf et son homologue chinois, Wang Yi, La dépêche rapporte que L’entretien a permis de « passer en revue les différents volets du partenariat stratégique global entre l’Algérie et la Chine » et que « Les deux ministres ont, par ailleurs, évoqué « les principales questions inscrites, ce mois, à l’ordre du jour du Conseil de sécurité, à leur tête la question de décolonisation au Sahara occidental » (6) Même si rien n’a filtré sur le contenu des échanges qui ont eu lieu entre le chef de la diplomatie algérienne et ses homologues russe et chinois, il est attendu que les inquiétudes exprimées par l’Algérie soient prises en compte par ses deux partenaires privilégiés même si leur position finale sera certainement dictée par leurs intérêts stratégiques. Le désir de ne pas trop bousculer l’Administration Trump ajouté à la recherche de l’équilibre dans leurs rapports avec les partenaires de la région devraient militer en faveur d’une demande d’amendement du projet de résolution de manière à n’exclure aucune option.
La Russie en position d’arbitre
Parmi les membres permanents du Conseil de sécurité, Washington est pratiquement sûre du vote du Royaume-Uni et de la France en faveur de son projet de résolution. Il reste la position des deux autres membres permanents, la Russie et la Chine. Si l’abstention de la Chine ne laisse planer aucun doute étant donné la position historique de Pékin qui a toujours recherché l’équilibre dans ses rapports avec ses partenaires maghrébins, la position que prendra la Russie lors du passage au vote du projet de résolution suscite les commentaires les plus contradictoires.
Interrogé à ce sujet, le ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov a souligné : « Il existe des résolutions claires du Conseil de sécurité sur la manière de résoudre la question du Sahara occidental, par le biais du droit à l’autodétermination. Ce principe a toujours fait l’objet d’un consensus au sein du Conseil de sécurité… » non sans ajouter que la Russie considère que «toute solution acceptable pour toutes les parties est une solution légitime». S’agissant de la position du président Donald Trump, à la fin de son premier mandat, quand il a reconnu la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental en contrepartie de la normalisation des relations avec l’Etat d’Israël, le chef de la diplomatie russe a affirmé que la Russie «ne considérera pas l’affaire comme close tant qu’un accord entre toutes les parties concernées, basé sur un juste équilibre des intérêts n’a été conclu ». Tout en affirmant que les résolutions du Conseil de sécurité restent la seule référence valable à l’heure actuelle, Lavrov a ajouté, cependant, que : «si une nouvelle résolution basée sur d’autres principes est élaborée pour la solution (du contentieux), nous serons prêts à en débattre, à condition qu’elle soit acceptable pour toutes les parties prenantes » (7)
Comme on peut le constater, la position diplomatique de la Russie peut donner lieu à des lectures et des interprétations diverses. D’une part, on a la lecture qui insiste sur le refus de la Russie de toute solution imposée à l’une ou l’autre partie sans passer par le cadre onusien. Par conséquent, les auteurs de cette première lecture s’attendent à ce que la Russie oppose son véto au projet de résolution américain s’il n’est pas entre-temps amendé dans un sens plus conforme au droit international ou du moins à ce qu’elle s’abstienne lors du vote. Jacob Mundy, professeur d’études sur la paix et les conflits à l’Université Colgate aux États-Unis, estime que le projet de résolution américain sera amendé sous la pression de la Russie : « Je pense qu’il s’agira d’une résolution conservatrice », dit-il, « peut-être avec une prolongation plus courte du mandat de la MINURSO afin de fixer une date butoir pour la reprise des négociations », a-t-il déclaré à El Independiente, en se basant notamment sur le fait que « Lavrov a confirmé son soutien à une solution politique mutuellement convenue incluant l’autodétermination ». La position plutôt optimiste de Jacob Mundy s’explique par le fait que selon lui. « Depuis plusieurs années, la Russie exprime son inquiétude face aux actions unilatérales des États-Unis concernant le Sahara occidental. Cette inquiétude se reflète dans sa politique d’abstention dans toutes les résolutions récentes sur la MINURSO. » « Allons-nous croire qu’après près d’une décennie d’opposition à l’unilatéralisme américain, la Russie va maintenant le soutenir ? Cela n’a aucun sens. Mundy estime que la Russie ne votera pas en faveur d’une résolution imposant le plan marocain sans le consentement du Polisario ou de l’Algérie. Dans le meilleur des cas, elle s’abstiendra, « préservant ainsi sa cohérence diplomatique et sa marge de négociation avec l’Occident. » (8)
L’autre lecture à laquelle se prêtent les déclarations de Lavrov est plutôt pessimiste. Selon cette lecture, la Russie, pour laquelle la question du Sahara occidental reste une question marginale au regard de ses intérêts stratégiques, ne fera rien qui mécontentera Trump sur ce dossier dans la mesure où elle compte sur sa souplesse diplomatique pour la résolution du conflit ukrainien et pour trouver une solution équilibrée aux différends avec les puissances occidentales et l’Otan, deux dossiers connexes qui revêtent une importance autrement plus grande aux yeux des dirigeants russes. Riccardo Fabiani, directeur du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord à l’International Crisis Group, considère le rôle de Moscou avec prudence. « La Russie a été assez ambiguë sur cette question ces dernières semaines », affirme-t-il. « Elle a très peu à gagner à adopter une position ferme, car elle entretient de bonnes relations avec l’Algérie et le Maroc et ne considère pas ce conflit comme important pour ses propres intérêts. » Le ministre Lavrov, note Fabiani, « continue de parler d’un processus de paix et de la nécessité pour toutes les parties de s’entendre sur une solution, plutôt que sur une décolonisation ou un référendum. » tout en ajoutant une nuance essentielle : « Moscou estime que toutes les parties impliquées doivent être d’accord, ce qui signifie que le Polisario doit participer et qu’un règlement ne peut pas être imposé au mouvement sahraoui. » Pour Fabiani, tout dépendra du langage adopté dans la nouvelle résolution du Conseil de sécurité. « Si le texte encourage les parties à négocier une solution combinant autonomie et autodétermination, la Russie pourrait le soutenir. Si le langage est trop pro-marocain, elle s’abstiendra probablement. » Et il conclut par une prédiction qui résume la position russe : « En tout état de cause, il est peu probable que Moscou oppose son veto à la résolution ou menace de le faire, car cela créerait des tensions avec les autres membres du Conseil sur une question qui n’a guère d’importance pour la Russie. » (9)
Allant plus loin que Fabiani, Mark N. Katz, professeur émérite de sciences politiques et gouvernementales à l’Université George Mason, estime que Moscou pourrait finalement pencher pour un soutien à Washington. « Il existe une analyse pragmatique : le Polisario n’a aucune chance réelle de prendre le contrôle du territoire et, plus important encore, la position marocaine bénéficie d’un soutien international croissant. » Katz explique la position russe par le fait que son allié algérien a une marge de manœuvre très étroite. En effet, Moscou estime que « l’Algérie continuera de collaborer en matière de défense (avec la Russie), car elle n’a pas réellement la possibilité de se tourner vers l’Occident ». La conclusion de Katz fait froid au dos : « Soutenir les États-Unis au Sahara pourrait être un moyen peu coûteux de s’attirer les faveurs de l’administration Trump » En faisant une concession à Washington sur une question peu importante pour Moscou, le Kremlin pourrait espérer obtenir une contrepartie sur un sujet qui l’intéresse. ».(10).
Les dernières nouvelles en provenance des coulisses du Conseil de sécurité semblent démentir Fabiani et Katz sans nécessairement donner trop raison à l’optimisme de Mundy.
Les Etats-Unis révisent leur copie à la demande de la Russie
Le Conseil de sécurité des Nations Unies a tenu vendredi 24 octobre une deuxième séance extraordinaire à huis clos sur le renouvellement du mandat de la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara Occidental (MINURSO) durant laquelle la délégation américaine a distribué un nouveau projet de résolution, comportant des modifications sur les points de désaccord. Le texte actuellement débattu recommande de prolonger le mandat de la MINURSO jusqu’au 31 janvier ou jusqu’au 30 avril 2026. Il continue de mentionner le plan d’autonomie marocain, mais celui-ci n’est plus considéré comme « la seule base » d’un règlement du conflit, reconnaissant qu’il existe d’autres propositions sans les citer explicitement. Le texte appelle un cessez-le-feu immédiat entre le Maroc et le Front Polisario, le plein soutien aux agences humanitaires, ainsi qu’un appel inédit à l’enregistrement des réfugiés sahraouis et à la nécessité d’engager des négociations directes sans conditions préalables. Cette seconde version du texte, même si elle constitue une avancée par rapport à la première version, n’a pas reçu l’aval de certains membres du Conseil et a continué à susciter des réserves sérieuses, ce qui a conduit la délégation américaine à proposer une troisième version plus équilibrée : le droit à l’autodétermination est cité et la mission de la MINURSO renouvelée pour un an (11).
Si la nouvelle version du texte américain rencontre l’assentiment de la Russie, le projet de résolution sera voté sans problème. Reste à savoir en quoi cette nouvelle résolution du Conseil de sécurité pourra faciliter un règlement pacifique du conflit dans la mesure où le sursis accordé à la MINURSO cache mal un enterrement pur et simple de l’option du référendum et l’entrée dans l’inconnu d’un processus de négociation entre des parties dont les positions restent très éloignées mais qui auront été obligées de régler leurs différends en dehors du cadre onusien. En effet, Washington s’est proposé pour accueillir ces négociations alors qu’elle apparaît d’ores et déjà comme juge et partie. Assisterons-nous à l’émergence d’un cadre de négociations multilatéral incluant toutes les parties concernées sous la supervision des Etats-Unis et de la Russie autour de plusieurs options, dont l’autonomie proposée par le Maroc ? Quelles seraient ces autres options, en l’absence de toute référence à un référendum d’autodétermination ? Une chose est sûre : aucune option ne sera viable sans le Front Polisario, du moins tant que la Russie, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité, continue de considérer ce dernier comme une partie prenante dans le processus de règlement du conflit.
Conclusion
L’abandon de toute référence au référendum d’autodétermination n’est pas sans risques graves pour la paix dans la région. En l’absence de pressions internationales sérieuses sur le Maroc, ce dernier risque de s’enfoncer dans sa logique du fait accompli tant la question du Sahara occidental est devenue une question de vie ou de mort pour une monarchie confrontée par ailleurs à une grave crise de succession sur fond d’affrontements entre factions rivales autour des dividendes de l’économie de la drogue et des autres monopoles commerciaux. Dans ces conditions, il n’est pas exclu que grisé par ce qu’il pourrait interpréter comme une légalisation internationale de sa « souveraineté » sur le Sahara occidental, le Maroc se lance dans une guerre en vue de « récupérer » les 20% de la superficie du territoire qui reste sous contrôle du Front Polisario, au risque de transformer un conflit qui est resté jusqu’ici un conflit de basse intensité en un conflit susceptible de déraper vers une guerre régionale de plus grande envergure. La « paix » de Trump risque d’accoucher de son contraire : une guerre régionale aux risques incommensurables sur la paix et la stabilité de la région.
Notes
(1) El Independiente 23/10/2025
(2) Sahara Presse Servce 18/10/2025
(3) Sahara Presse Service 21/10/2025
(4) Algérie solidaire 23/10/2025
(5) Algérie solidaire 23/10/2025
(6) Algérie solidaire 29/10/2025
(7) Algérie solidaire 25/10/2025
(8) El Independiente 25/10/2025
(9) El Independiente 25/10/2025
(10) El Independiente 25/10/2025
(11) Algérie solidaire 28/10/2025