Les massacres du 8 mai 1945 dans le Nord Constantinois Par Mahfoud Kaddache

La date du 8 mai 1945 représente une date doublement symbolique. Pour l’Europe, elle rappelle la victoire des Alliés sur l’Allemagne nazie. Mais pour les Algériens, malheureusement le 8 mai 1945 fut le point de départ de massacres ayant fait plusieurs dizaines de milliers de victimes dans le Nord Constantinois. La France « résistante » s’est confondue avec la France coloniale pour répondre par la violence aux manifestations pacifiques des Algériens qui réclamaient l’indépendance nationale. L’historien algérien, Mahfoud Kaddache, avait consacré un article à cet évènement qui constitua un tournant décisif dans l’histoire du mouvement national algérien. Nous reproduisons ci-dessous cet article comme une pièce importante pour la mémoire mais aussi pour le débat nécessaire sur les ressorts sociaux, idéologiques et psychologiques qui avaient poussé des résistants et des dirigeants de gauche français à ignorer les aspirations légitimes des Algériens à la liberté et à l’indépendance nationale.

Le contexte historique

Le fait essentiel dans la vie politique algérienne des années qui ont précédé 1945 réside dans le progrès considérable du mouvement nationaliste révolutionnaire et dans le ralliement des élus et des réformistes à la politique de patrie algérienne, de rejet de l’assimilation et de l’indépendance. De jeunes nationalistes s’intéressent à l’histoire, à la stratégie politique, aux méthodes d’organisation secrète, se fixèrent entre 1940 et 1942 comme tâche : encadrer le mouvement nationaliste, le réorganiser, le rendre efficace. Des dirigeants comme Asselah Hocine, Taleb Abderrahmane jouèrent un rôle important et de premier plan. Avec d’anciens éléments du PPA ; on y trouvait, pour ne citer que deux marthyrs, Mohamed Belouizdad à Belcourt, Didouche Mourad au Clos-Salembier…

L’organisation des adultes et des jeunes apprit aux militants à « être effectivement des clandestins ». A partir d’Alger, elle s’étendit aux Fédérations de Constantine et d’Oranie ; elle fit appel pour cela aux jeunes qui convergeaient à la Medersa, à l’Ecole Normale, à celle des adjoints techniques, à l’Université. Les militants étudiants, en rentrant chez eux lors des périodes de vacances, se mettaient à l’ouvrage. Des formations spéciales furent constituées : « centre nerveux » « directeurs » chargés d’élaborer la tactique ; réseaux d’études et de recoupement chargés de fournir la documentation, sections spécialisées pour l’action chargée du recensement, du renseignement, de l’éducation des jeunes et de l’animation politique. Le nouveau PPA se proposait d’apporter dans l’action révolutionnaire discipline et continuité ; son objectif, la formation des élites pour la lutte. A la veille du débarquement américain, le PPA clandestin avait une structure pyramidale et une solide organisation. La manifestation organisée le jour de l’Aïd 1943 révéla l’existence de cette organisation. Le PPA lança le premier journal clandestin « l’Action Algérienne » qui revendiquait clairement l’indépendance et appelait les Algériens à s’organiser et à lutter.

LE MANIFESTE

Un document important, le Manifeste du peuple algérien, fut d’abord remis au général Eisenhower. Il constituait un vibrant appel pour la réalisation d’un plan de réformes algérien signé par trente notabilités. Une deuxième version, plus modérée dans les termes, fut remise au gouverneur général le 31 mars 1943. Elle portait cinquante-six signatures.

Le Manifeste posait le problème algérien :

« L’Algérie est depuis le 8 novembre 1942 sous l’occupation des forces anglo-américaines. Cette occupation, en isolant la colonie de la métropole, a provoqué parmi les Français d’Algérie une véritable course au pouvoir. Républicains, gaullistes, royalistes, israélites ; chaque groupe de son côté, essaie de faire valoir sa collaboration aux yeux des alliés à la défense de ses intérêts particuliers. Devant cette agitation, chacun semble ignorer jusqu’à l’existence même des huit millions et demi d’indigènes. Cependant, l’Algérie musulmane, quoique indifférente à ces rivalités, reste vigilante et attentive à son destin. Aujourd’hui, les représentants de cette Algérie, répondant au vœu unanime de leurs populations ne peuvent se soustraire à l’impérieux devoir de poser le problème de leur avenir. Ce manifeste, plus qu’un plaidoyer, est un témoignage et un acte de foi. Pour la deuxième fois en ce XXème siècle, le monde entier combat pour le triomphe de la Justice, du Droit, pour la libération des peuples. Mais pour la deuxième fois le monde assiste à ce spectacle désolant et tragique : derrière le soldat qui meure pour la liberté des hommes et le bonheur de l’humanité, les conférences diplomatiques et les accords internationaux entrent en jeu. Quelle part sera réservée, dans ces conversations, aux droits des gens ? »

Le Manifeste fut l’acte qui concrétisait officiellement l’option des intellectuels et des élus qui rejoignaient les nationalistes : « L’heure est passée où un musulman algérien demandera autre chose que d’être un Algérien musulman…, la nationalité et la citoyenneté algérienne lui offrent plus de sécurité et donnent une plus logique solution au problème de son évolution et de son émancipation ». Ils réclamèrent le droit pour l’Algérie d’avoir une constitution propre et la reconnaissance de la langue arabe comme langue officielle.

LES REVENDICATIONS

La formulation des revendications était claire et surtout nouvelle :

a)      La condamnation de l’abolition de la colonisation, c’est-à-dire de l’annexion et de l’exploitation d’un peuple par un autre. Cette colonisation n’est qu’une forme collective de l’esclavage individuel du Moyen Age. Elle est, en outre, une des causes principales des rivalités et des conflagrations entre les grandes puissances.

b)      L’application pour tous les pays, petits et grands, du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

c)      La dotation de l’Algérie d’une constitution propre, garantissant :

1)      La liberté et l’égalité absolue de tous ses habitants sans distinction de race et de religion ;

2)      La suppression de la propriété féodale par une grande réforme agraire et le droit au bien-être de l’immense prolétariat agricole ;

3)      La reconnaissance de la langue arabe comme officielle au même titre que la langue française ;

4)      La liberté de la presse et le droit d’association ;

5)      L’instruction gratuite et obligatoire pour les enfants des deux sexes ;

6)      La liberté du culte pour tous les habitants et l’application à toutes les religions du principe de la séparation de l’Eglise et de l’Etat.

d)      La participation immédiate et effective des musulmans algériens au gouvernement de leur pays ainsi que cela a été fait par le gouvernement de S.M. Britannique et le général Catroux en Syrie, et par le gouvernement du maréchal Pétain et les Allemands en Tunisie. Ce gouvernement pourra seul réaliser, dans un climat d’unité morale parfaite, la participation du peuple algérien à la lutte commune.

LES AMIS DU MANIFESTE ET DE LA LIBERTE

Les amis du Manifeste et de la Liberté, créés en mars 1944, furent « le fruit d’un compromis » entre les organisations nationaliste, révolutionnaire et réformiste. Le PPA accepta de se rallier à l’idée d’une République fédérée, les élus se rallièrent à la Patrie algérienne et abandonnèrent la thèse de l’assimilation. Le journal Egalité précisa ce qu’étaient les Amis du Manifeste : « Les A.M.L. ne sont pas un parti politique. Ils constituent un groupement d’hommes de toutes les tendances pouvant appartenir à des partis politiques mais ayant sur le problème colonial et sur sa solution la même opinion, à savoir que les colonies et les peuples colonisés doivent évoluer (…) vers la reconnaissance de leur personnalité (…) ».

Les A.M.L. se proposaient de « rendre familière l’idée d’une nation algérienne » (…)

LE REFUS FRANCAIS

La Résistance française, comme quelques années plus tôt le Front Populaire, n’avait rien compris au nationalisme algérien et à la volonté du peuple algérien de redevenir une nation indépendante. L’Assemblée Consultative française avait bien essayé de définir une nouvelle politique coloniale, avait parlé « d’une nouvelle formule de colonisation fondée sur une politique d’association » et d’une nouvelle Fédération qui d’ailleurs ne devait pas s’appliquer à l’Algérie. Mais au-delà de ce projet indécis, les délégués restèrent très timides sur le problème algérien : « Les colonies devaient rester le prolongement de la France ». Même le député communiste A. Mercier affirmait : « La République française, métropole et territoire d’outre-mer est une et indivisible ». Dans les débats d’Alger, tous les délégués adoptèrent en bloc la politique du CFLN et les recommandations de Brazzaville.

Le Comité Français de Libération Nationale ne prit pas en considération le Manifeste, se contentant de réformes secondaires. Il fit arrêter les élus les plus représentatifs, et pensa arrêter la marche du mouvement nationaliste en octroyant, le 7 mars 1944, la citoyenneté française dans le statut personnel musulman à quelques Algériens remplissant certaines conditions, 65.000 personnes au grand maximum. C’était l’ancien projet Blum-Violette revu par le gaullisme qui était octroyé alors que les Algériens avaient renoncé à l’assimilation. La rupture était consommée entre le gouvernement français et le peuple algérien, entre les partisans de la nation algérienne et ceux qui la dénonçaient.

Dès 1944, les autorités militaires se préparèrent à la guerre contre le peuple algérien. En octobre 1944, les autorités militaires établirent la liste des zones sensibles, « soumises à des propagandes subversives » : Alger, Oran, Constantine, la Grande et la Petite Kabylie, les monts de Tlemcen et les Aurès. Des dispositions furent prises pour assurer le maintien de l’ordre en cas de troubles. En janvier 1945, les généraux et les hauts fonctionnaires procédèrent à un exercice dont le thème était l’insurrection. A partir de mars 1945 les renseignements fournis aux autorités indiquaient une recrudescence de l’agitation.

La France nouvelle ne comprenait pas le nationalisme algérien, les partis au pouvoir dénoncèrent le Manifeste. A leur congrès de septembre 1944, les communistes attaquèrent les « pseudo-nationalistes inspirés par les impérialistes étrangers », leur reprochèrent de vouloir une Afrique du Nord non liée avec la France nouvelle et repoussèrent leurs mots d’ordre : « Séparation avec la France », « Algérie arable ».

LE NOUVEL ETAT D’ESPRIT DES ALGERIENS

Le rapport d’enquête Tubert signale que le « fossé s’était creusé entre les deux populations. Des insultes, des injures, voire des coups opposant musulmans et Européens ». Du côté musulman : jets de pierres sur les Français, injures sur les marchés, paroles de révolte, de haine à l’égard de l’administration française, boycottage des cafés européens, interdiction aux femmes musulmanes de travailler chez les Français. De l’autre côté, les Européens répliquaient par des termes de mépris et l’injure « sale race ». La commission signale trois faits révélateurs de l’état d’esprit des Algériens : un élève de la région de Bougie écrit sur son cahier d’écriture. « Je suis algérien, l’Algérie est ma patrie, au lieu du modèle proposé par l’instituteur : Je suis français, la France est ma patrie » ; un autre élève crie « comme nous » au moment où son instituteur évoquait la condition des esclaves romains. Une partie de football qui opposait à Bône (Annaba), musulmans et Européens fut arrêtée, par crainte d’une émeute. Dans la région de Blida, un instituteur se vit reprocher d’enseigner le patriotisme algérien à ses élèves. Les scouts musulmans, dont on critiquait la promesse, furent amenés à donner comme définition de la patrie « le pays où l’on nait » et non la France. Des scouts de Kabylie furent arrêtés pour avoir chanté le fameux chant des partisans français.

En 1944, un vent de liberté et d’indépendance soufflait sur l’Algérie musulmane. Les Algériens s’organisaient pour faire respecter les règles de leur religion, signale le bulletin du Comité français de libération nationale (juillet 1944) qui note : les musulmans s’abstiennent de fréquenter les cafés européens. Il y a une plus grande affluence dans les mosquées, les jeunes et en particulier les scouts chantent des chants exaltant l’Islam et le peuple algérien. Le bulletin donne la traduction d’un poème d’Ibn Badis : « Le peuple algérien est musulman ». Un spécialiste de questions musulmanes, Montagne, note : « L’Afrique du Nord est devenue un domaine que veut s’approprier l’arabisme ; seuls comptent pour l’opinion algérienne ceux qui sont contre l’administration et parfois contre la France. »

Une lettre anonyme (trouvée dans les archives d’Aix) écrite en arabe et envoyée au général Catroux donne un aperçu de l’état d’esprit des jeunes musulmans à la fin de l’année 1944 : « L’Algérie n’est ni européenne, ni française… Vous n’êtes certainement pas la vraie France, pas plus d’ailleurs que l’Algérie n’est votre France. Vous ne manifestez votre autorité que pour l’exercer contre nous, nous nos vils sujet… »

En avril, le général Henry Martin signalait : « A Sétif, de diverses sources, il est et demeure établi que le PPA est en train d’organiser l’insurrection générale… Les bulletins d’adhésion au parti du Manifeste trouvent de plus en plus preneurs. La jeunesse musulmane, habilement manœuvrée, devient un instrument dangereux entre les mains de chefs de file aussi bien dans les agglomérations que dans les campagnes ; elle parait décidée à livrer une lutte sans merci contre « les Français ». Les conseillers généraux du département de Constantine avaient, dans une lettre au préfet, exprimé leur inquiétude : « L’inimitié a fait place à une hostilité qui prend figure de haine collective, les passions sont déchainées dans les milieux qui hier heureux de collaborer avec les colons, les fonctionnaires, les commerçants, sont devenus arrogants et annoncent leur volonté de rester seuls sur la terre de leurs ancêtres et de proclamer l’indépendance totale qui a fait, en février 1943, l’objet des manifestes des élus musulmans à Alger… Les indigènes qui nous étaient acquis sans réserve ont eux-mêmes changé d’attitude… ».

LES MANIFESTATIONS

La première manifestation sanglante eut lieu le 1er mai 1945. L’interdiction des défilés et manifestations prévus pour le jour de la Victoire, le 8 mai 1945, se heurta à la volonté populaire de clamer sa volonté de liberté et d’indépendance.

LE 1er MAI

Le PPA décida de manifester à l’occasion du 1er mai. Malgré l’apposition de la tendance réformiste des A.M.L., le mot d’ordre fut transmis à tous les militants et fut suivi partout dans le département de Constantine, une partie de l’Algérois et l’Oranie. A Alger la manifestation fut très violente. Un premier cortège qui se dirigeait sur la Grande-Poste fut arrêté, la police tira sur la foule faisant deux morts, les premiers martyrs, et vingt-trois blessés. Un deuxième cortège avec des bannières écrites en arabe, en français et en anglais : « Vive l’Algérie indépendante », « Liberté pour tous »… réussit à arriver à la Grande-Poste et à chanter l’hymne nationaliste.

Les militants avaient connu l’épreuve du feu, ils avaient réussi à montrer leur force, leur foi et leurs exigences.

Le succès de ce 1er Mai amena les A.M.L. à décider une manifestation pour le 8 mai. La tendance réformiste était pour une manifestation légale, elle voulut avoir l’autorisation du gouvernement général. Mais l’administration coloniale fit arrêter leur délégation. Le PPA avait donné l’ordre à ses sections de manifester pacifiquement sur des mots d’ordre politiques, révolutionnaires.

LE 8 MAI A SETIF

Le 8 mai au matin, alors que des musulmans se rassemblaient autour de la mosquée, le sous-préfet convoqua de nombreuses personnalités musulmanes. Il menaça le responsable du PPA de la ville qui faisait partie de la direction de la Section des A.M.L. en déclarant : « La France ne veut pas de politique, la souveraineté française ne doit pas être menacée. J’ai pris mes responsabilités. Je vous rends responsable de ce qui arrivera. » Pendant ce temps les gens affluaient de toutes parts. Ceux des douars se rassemblaient à l’entrée de la ville. Des responsables allèrent vers eux, leur expliquèrent le caractère pacifique de la manifestation et les désarmements en leur enlevant couteaux et matraques.

Sept à huit mille musulmans précédés par les scouts de la ville, drapeau algérien en tête et banderoles déployées avec les inscriptions : « Pour la libération des peuples » ; « Vive l’Algérie libre et indépendante »… étaient prêts à défiler. Le commissaire central avisa les responsables que toutes banderoles ou pancartes politiques étaient interdites. Sans en tenir compte, le cortège s’ébranla ; personne ne pouvait s’opposer à cette masse humaine qui voulait crier sa foi et son amour de la liberté et de l’indépendance.

Le sous-préfet donna l’ordre d’enlever les banderoles à leurs porteurs. Les policiers tirèrent. Des civils européens voulurent empêcher le défilé. Des coups de feu furent échangés. Ce fut le signal de l’émeute.

Le cortège se dispersa pour se reformer plus loin. Entre-temps la gendarmerie intervint, des groupes de manifestations attaquèrent le marché aux bestiaux. A onze heures, le calme était rétabli dans la ville. Mais la nouvelle du massacre s’était répandue : « On tue les arabes… Il faut répondre par le Djihad ».

A GUELMA

Très peu de musulmans assistèrent aux cérémonies officielles. La population, animée par le Comité des A.M.L., organisa une manifestations particulière avec des pancartes : « Vive la démocratie », « A bas l’impérialisme ! », « Vive l’Algérie indépendante ».. La police tira sur la foule et dispersa les manifestants. Le 9 mai, Guelma était assiégée par des groupes armés des douars voisins venus venger leurs morts.

DANS LES AUTRES VILLES

Des défilés analogues furent organisés dans d’autres villes, à Batna, Biskra, Khenchela. A Bône et Djidjelli, des milliers de manifestants se joignirent au cortège officiel et sortirent leurs banderoles. Des manifestations eurent lieu à Blida, Berrouaghia, Bel-Abbès, à Saida où la mairie fut incendiée. A Alger, les fidèles n’assistèrent pas à la cérémonie officielle de la Grande Mosquée.

L’ENTHOUSIASME REVOLUTIONNAIRE

Dès l’annonce des événements survenus dans les villes de Sétif, de Guelma, des messagers allèrent dans les villages et les coins les plus reculés annonçant que la lutte avait commencé, entrant en contact avec les responsables locaux des Amis du Manifeste, qui attendaient les ordres et qui, finalement, furent amenés à prendre eux-mêmes les décisions qui s’imposaient : regrouper les militants, ne pas se laisser déborder, diriger les attaques contre « les bâtiments de l’autorité française : la mairie ou bordj, la poste, la recette des contributions, la gendarmerie ».

La nouvelle de l’agitation suscita un grand enthousiasme dans les douars : les masses rurales lancèrent plusieurs groupes armés contre les villages et les centres de colonisation. La campagne algérienne se lançait dans la rébellion. On découvrit même un plan d’attaque de Constantine : attaque de la préfecture par une section de quarante hommes, de la mairie, du commissariat central ; libération des détenus, occupation de la garde mobile, de la centrale électrique, de la poste centrale, de la gare. Pour nos masses, les évènements de Sétif, Guelma furent considérés comme le signal de la Révolution, de la guerre libératrice. De nombreuses nouvelles, transformées par l’enthousiasme populaire, allèrent galvaniser un peuple en attente.

Après le défilé de Sétif, nous dit le rapport Tubert, le car de Bougie à Sétif fut attaqué, les centres de Ain-Abessa Sillègue, le Bordj de Takitount furent attaqués. Le 9 mai, des groupes armés sillonnèrent la région de Djidjelli. La Fayette (Bougaa) fut attaquée ainsi que Kerata. Le centre de Chevreuil (Beni Aziz) assiégé aux cris de « Djihad ! Djihad ! », fut entièrement incendié ; autour de Guelma, des fermes furent assaillies et des colons tués. Le 10 mai, le village d’Aokas (commune morte d’Oued Marsa), la gendarmerie de Tessara, le Bordj et la poste de Fedj M’zala furent encerclés. Dans la région d’Oued Marsa, les communications téléphoniques furent coupées, des gardes-forestiers tués.

LA REVOLTE

Dans la région des Babors, au nord de Sétif, l’émeute prit « l’allure d’une dissidence », les troupes étaient « accueillies devant certains douars à coup de fusils ou même d’armes automatiques ». Des rassemblements menaçants de musulmans décidés furent signalés à El Arrouche, Jemmapes (Azzaba), Oued Amizour, Condé (Smendou), Chateaudun (Chelghoum Laid), El Milia, Oued Zenati. De Sétif et de Guelma la révolte s’était étendue à plusieurs points d’Algérie. Entre Tizi-Ouzou et Ménerville (Thenia) les files téléphoniques durent coupés. Des dépôts d’armes clandestins furent signalés à Tébessa. Des bruits circulèrent à propos d’un soulèvement général.

LA RESISTANCE ALGERIENNE ET LA « GUERRE » DES MECHTAS

LA REPRESSION

A Sétif, à Guelma, les forces de police, la gendarmerie tirèrent sur la foule. Des morts, des blessés, des arrestations parmi ceux qui, pacifiquement, étaient venus sans armes manifester leur joie et leurs espérances le jour de la Victoire. Cette première répression fut, non seulement l’œuvre des « forces de l’ordre », mais aussi celle des civils européens.

LA MILICE EN ACTION

Les Européens pris de panique organisèrent des milices et entreprirent la chasse à l’Arabe.

A Guelma, le sous-préfet Achiary, ancien commissaire de police, créa une milice qui reçut l’approbation des présidents des Anciens Combattants, de la « France combattante et du secrétariat de l’Union locale des Syndicats ». La presque totalité de la population française de Guelma fit partie de cette milice qui ne borna pas son activité au maintien de l’ordre mais se livra à des représailles contre la population musulmane avec la tolérance des autorités locale et d’Achiary. « Un fonctionnaire envoyé d’Alger par Chataigneau pour enquêter à Guelma en revint épouvanté : des hommes, des femmes, des enfants avaient été exécutés sans jugement, en bloc : « Il est également certain qu’en dehors de la milice, des Français dont les parents ou des proches ont été victimes de violence, se livrent à des exécutions sommaires ».

A Chevreuil (Béni Aziz) seulement, cent vingt-sept musulmans furent assassinés par la milice dirigée par Pradeille, à la suite de la mort d’une seule victime française, et ce, après la cessation des opérations de répression effectuées par l’armée.

LA « GUERRE » DES MECHTAS

L’armée française organisa la guerre contre les mechtas. La troupe, la marine et l’aviation participèrent à cette guerre, elles entrèrent en action contre les populations. Les mechtas subirent des tirs de jour et de nuit. Des bulletins d’officiers nous renseignent sur la « glorieuse marche » des colonnes militaires.

L’armée livrait une nouvelle guerre coloniale aux Algériens le 8 mai. A Chevreuil (Béni Aziz) les troupes du colonel Bourdilat étaient sur les lieux, « la vaillante colonne de Tabors et de Légionnaires n’avait devant elle qu’une tribu en haillons, composée pour la majeure partie de Khammes domestiques-nés au service des seigneurs de l’endroit ». Ces fellahs « faméliques et nus n’avaient reçu depuis trois ans le moindre grain d’orge et de blé ».

Dans la même région le commandant Rouire organisa trois colonnes et leur donna les ordres suivants : « Disperser les rebelles, brûler les mechtas ». A l’approche des troupes « les villages sont désertés par les hommes », rassemblement sur les crètes, coupures sur les routes ; barrages de troncs d’arbres. Femmes et enfants s’enfuient dans les ravins dès qu’ils aperçoivent des soldats. A Kerrata les manifestants (le rapport dit, les assassins) sont dispersés à la mitrailleuse. La légion étrangère attaque un village près de Kerrata, démolit dix-sept barrages établis dans les gorges. Aux environs d’Oued Marsa une section d’infanterie est accrochée par les « rebelles ». Le lieutenant Bergeret, qui avait pris le commandement de Kerrata, écrit : « La section d’artillerie effectue des tirs de jour et de nuit sur un village surplombant Kerrata et signalé comme étant le plus dangereux…, des opérations sont lancées contre les douars sud-ouest et est ». La troupe, partie de Souk Ahras, ouvrit le feu (tir de 75 et à la mitrailleuse) sur les populations et combattit les mechtas de la région de Guelma.

L’AVIATION – LA MARINE

L’aviation fut autorisée à participer aux opérations. Le ministre de l’Air était pourtant un communiste. Le général Weiss avoua qu’il avait mis à la disposition des troupes douze chasseurs bombardiers A24, douze bombardiers moyens Wellington et que la France avait envoyé seize JU 52, soixante et un P26 et Dakota britanniques (pour une mission…) : d’après le général, il n’y aurait eu en tout et pour tout que vingt actions aériennes répressives contre la population en quinze jours. Des bombes de fabrication française furent utilisées sur les lance-bombes américains.

Le ministre de l’Intérieur reconnut que l’aviation a effectué des tirs à la mitrailleuse sur des groupes armés, autour de villages de la région de Guelma… De même, la Marine est intervenue devant Bougie et à Djidjelli. Une compagnie de débarquement fut mise à terre dans cette dernière ville. Le croiseur « Duguay-Trouin » bombarda la région de Kerrata, le ministre reconnut que quarante quatre mechtas étaient bombardées ou incendiées.

NOS MARTYRS

Le gouvernement français parla de 1.500 morts musulmans. Les militaires reconnaissaient, dans l’intimité, des chiffres de 6.000 à 8.000. Les milieux américains, qui étaient très au courant de la situation, avancèrent les chiffres de 50.000 victimes. En novembre 1945, on dénombre 4.560 arrestations dont 3.696 dans le département de Constantine, 505 en Oranie.

La vérité sur la répression ne put être établie que d’après les témoignages de ceux qui en avaient vécu toute l’horreur ou les écrits de quelques rares courageux journalistes.

Un journaliste, qui n’était pas très tendre pour les révoltés, put écrire : « Jamais, en effet, depuis l’an 1842, et le maréchal de Saint-Arnaud, l’Algérie n’avait connu, même aux jours les plus sombres de son Histoire, de répression plus féroce contre un peuple sans défense… Sur les routes, à travers les sentiers, dans les champs, dans les rivières, dans les ravins, ce n’était partout que cadavres entrouverts où s’engouffrait la gueule sanglante des chiens affamés, sous le croassement lugubre de charognards tournant en rond… Ca et là des villages entièrement rasés – éléments d’une humanité primitive fuyant sous les balles meurtrières des civilisés. Des charniers de morts. »

Un bachagha, fidèle serviteur de la France, témoigna lui aussi : « Jamais, tant que je vivrai, je n’oublierai le souvenir de ces viols, de ces incendies, de ces canons, de ces mitrailleuses, de ces troupes amassées au bord du village et dans le village, l’arme au pied, de ces arrestations, de ces exécutions massives, de ces délations de fellah terrorisés mentant à longueur de journée pour se disculper. »

Personne ne pourra dire le nombre de personnes arrêtées illégalement par l’armée et la police, ni celui des otages fusillés. Le ministre de l’Intérieur reconnut l’arrestation « légale » de près d’un millier de personnes, 280 condamnations, 37 acquittements et 28 condamnations à mort et 359 dans l’Algérois ; les tribunaux militaires avaient prononcé 1.307 condamnations dont 99 à mort, 64 aux travaux forcés à perpétuité, 329 aux travaux forcés à temps, 250 acquittements et 577 non-lieu. Plusieurs militants algériens ne revirent la liberté qu’à l’indépendance.

L’HUMILIATION

Non contente de sa victoire sur les fellahs, l’armée, telle les légions antiques, tint à célébrer son triomphe et à humilier les vaincus.

Du 19 mai au début de juin, alors que la situation s’était calmée, des opérations militaires furent montées pour préparer la reddition des tribus : opérations contre les mechtas des Babors, considérés comme étant le refuge le plus important de rebelles. Les rapports militaires parlent de « soumission de douars » auxquels on imposait les conditions suivantes : « Remise, pour présentation à la justice militaire, de tous les coupables d’attentats, de crimes ou de provocation ; indication du lieu d’asile des foyards ; remise de toutes les armes de guerre et de chasse avec les munitions ; châtiment « exemplaire et immédiat » des receleurs et de quiconque abrite quelqu’un qui n’est pas de sa famille. »

« L’armée disposa de blindés, de batteries de 75 et de 90, de la marine, de l’aviation. Les opérations de ratissage suivaient les bombardements. Les populations abandonnaient leurs mechtas, fuyaient sur les crètes. Les gourbis sont incendiés. Les « rebelles » sont cernés, ceux qui échappent aux tueries furent obligés de demander l’aman. Le 22 mai, dans les Babors, hommes, femmes, enfants, par milliers, vinrent s’agenouiller et se soumettre. Le 25mai, jour de la « soumission », de 5 à 6.000 musulmans groupés dans un cirque entouré de collines ; ils étaient obligés de demander à genoux pardon et de crier « Vive la France » alors que la population européenne de Chevreuil (Béni Aziz) sur « les terrasses » appréciait le triomphe de l’armée.

Le colonel de la Légion obligea hommes, femmes, enfants, fellahs, artisans, marabouts et caids des Babors, à se prosterner, le front à terre, devant le drapeau de la France et à répéter en chœur « Nous sommes des chiens ».

Une fois l’humiliation consommée, ordre fut donné aux Européens de passer dans les rangs des vaincus pour reconnaitre « les incendiaires de villages ». Le soir, près de 400 Arabes étaient conduits vers une destination inconnue.

LA CONDAMNATION DES NATIONALISTES ET DU NATIONALISME ALGERIEN PAR LES PARTIS DE GAUCHE

Réprimés par l’armée française et les civils européens, le peuple algérien, ses masses populaires et son avant-garde nationaliste, furent encore condamnés politiquement par les Partis de gauche qui se réclamaient de la Résistance.

Les socialistes blâmèrent la révolte et ses responsables. Ils estimèrent qu’on « avait Sali la grande heure de la Victoire des démocraties ». Ils jugèrent que « la grande masse des populations musulmanes » n’avait pas « encore atteint le degré d’évolution minimum nécessaire pour justifier les revendications du Manifeste ; le fait que des élites dirigeantes musulmanes aient organisé et déclenché ce mouvement n’indique pas non plus pour celles-ci une maturité politique bien grande ». Le journal Liberté et les communistes algériens accusèrent les nationalistes d’avoir été à l’origine des troubles du 8 mai 1945 et s’acharnèrent contre eux. Des Algériens, nationalistes sympathisants, étaient dénoncés par l’organe communiste. Les communistes profitèrent de la répression qui s’était abattue sur les nationalistes pour faire le procès du PPA : « Ce n’est pas en mai 45 que nous avons découvert le danger du PPA ». Ils parlèrent de la duplicité de ses chefs, voulurent faire assimiler la revendication nationale exprimée par le Manifeste au « séparatisme criminel des féodaux algériens » et présenter les nationalistes, ou plutôt « les faux nationalistes » ainsi qu’ils les appelaient, comme étant à « la solde des seigneurs de la colonisation ». Ils profitèrent de l’occasion pour justifier l’isolement du Parti communiste qui, seul, était resté à l’écart du puissant mouvement des Amis du Manifeste. Pour eux, ce dernier mouvement avait commis de grosses erreurs politiques et n’avait pas, en pleine guerre contre les nazis, fait la différence entre la démocratie et le fascisme. Le Parti communiste dénonça la collusion des « pseudo-nationalistes et des éléments hitlériens connus », et reprocha à l’Administration d’avoir facilité le développement des Amis du Manifeste noyauté par les chefs criminels du PPA ».

Les communistes au pouvoir ne comprirent rien à la nature politique des évènements du 8 mai 1945. Leurs prises de positions sont à ce sujet édifiantes : « Il faut tout de suite châtier impitoyablement et rapidement les organisateurs de la révolte et les hommes de main qui ont dirigé l’émeute ». Les nationalistes étaient, pour la plupart, assimilés aux nazis, selon toujours les communistes.

On laisse planer le doute sur les Amis du Manifeste. Pour le PCF, l’aspiration à l’indépendance est étrangère aux masses algériennes, les évènements de 1945 sont le fait d’initiatives individuelles, d’actes de provocation. Au Congrès de juin 45 un des dirigeants du Parti communiste algérien déclare : « Ceux qui réclament l’indépendance de l’Algérie sont les agents conscients ou inconscients d’un autre impérialisme. Nous ne voulons pas changer notre cheval borgne pour un aveugle ».

Certes, il y a eu par la suite condamnation des excès de la répression, la réclamation d’une « justice et rien que la justice », puis plus tard, celle de l’amnistie. Mais la condamnation politique restait.

LES CAUSES ET LA SIGNIFICATION DE MAI 1945

On a beaucoup discuté sur les causes et, partant, sur la signification des évènements de Mai 1945.

LE COMBAT POUR LA DIGNITE

Les observateurs furent, dans l’ensemble, unanimes à rejeter la thèse de la révolte de la faim. Bien que la situation des musulmans, et en particulier celle des ruraux, fut dramatique, les Algériens ne s’étaient pas soulevés pour réclamer du pain, mais pour demander la dignité, la liberté et l’indépendance. Même les autorités françaises l’admirent : le rapport de Tubert signale que les musulmans des campagnes environnantes de Sétif étaient « les mieux nourris, voir les mieux habillés ». Le ministre de l’Intérieur reconnut que les évènements du 8 mai ne furent pas l’explosion de la faim.

De nombreuses personnalités virent l’importance des causes politiques, que ce soit en attribuant la responsabilité aux colons adversaires des réformes, que ce soit en mettant en avant la volonté d’émancipation des Algériens.

Le Cheikh Bachir El-Ibrahimi rejeta la thèse du manque de ravitaillement et de la disette. Il parla des manœuvres de colons, de la main secrète dirigée par des intérêts politiques et ayant pour but d’empêcher toute amélioration du sort des populations musulmanes et de les priver de tous les droits souverains et politiques. Le secrétaire du syndicat des dockers accusa les éléments fascistes de vouloir provoquer un régime d’exception pour « arrêter le cours de la justice revendicative ». Un professeur estima que le capitalisme dégénéré, voyant le fascisme irrémédiablement perdu, « essaye de créer une agitation et cela dans le but de conserver une citadelle de choix en Algérie ».

LES ASPIRATIONS REVOLUTIONNAIRES DES NATIONALISTES ALGERIENS

Les militants du PPA avaient été l’élément moteur dans le succès du Manifeste et de son mouvement légal. Ils lui avaient suscité l’adhésion massive populaire et étaient représentés dans chaque section. Dans le même temps, ses militants clandestins avaient constitué des groupes de révolutionnaires décidés et avaient expliqué aux masses qu’avec le colonialisme on ne pouvait employer que « la méthode avec laquelle ils nous avaient conquis. » Au Congrès du AML, le PPA fit adopter un programme révolutionnaire : pas de réformisme, pas d’étape, des droits reconnus, pas de discrimination mais l’indépendance, un Etat algérien, un drapeau.

Pour le 8 mai, une partie des AML voulut manifester légalement, le PPA, quant à lui décidé à agir, attendit cependant les résultats de la délégation du Manifeste qui était allée voir le gouvernement général. Devant l’échec de cette démarche, les délégués ayant été arrêtés, le PPA donna l’ordre de manifester.

Les militants, le peuple, suivirent cet ordre. Les manifestations des villages furent soutenues par la solidarité et le combat des masses rurales qui crurent que l’heure de la Révolution et de la libération avait sonné.

LE DESIR D’INSURRECTION GENERALE

La volonté de résistance populaire amena la Direction centrale du PPA à donner le 18 mai l’ordre d’insurrection à toutes ses sections. Entre temps, la répression avait fait des ravages dans le Constantinois. Seuls la Kabylie et le Sahara étaient en mesure de répondre à cet ordre. En Kabylie, la population fut mobilisée, des groupes furent constitués, le jour H fixé à la nuit du 23 au 24 mai. Mais en dernière minute, devant l’ampleur de la répression et les moyens mis en œuvre par le colonialisme, la Direction du PPA ordonna un contrordre : il ne fallait pas envoyer à la boucherie les militants et le peuple. Le contre ordre n’arriva pas dans certaines zones, comme Rebevel (Baghlia), Dra Al-Mizan, Azazga où les militants passèrent à l’action, et furent, par la suite, isolés dans les maquis. En août, les forces françaises réussirent à démanteler ces maquis. Des combattants révolutionnaires arrêtés en octobre 1945 ne furent libérés qu’après dix-sept ans de prison, en 1962.

LES FORCES COLONIALISTES

L’échec s’explique par les mesures de véritable guerre coloniale prises par le gouvernement, les manœuvres des représentants de la colonisation et par les moyens de répression mis en œuvre. Le gouvernement français et l’administration algérienne coloniale étaient décidés à étouffer toute tentative d’expression pacifique ou violente du nationalisme algérien. Le gouverneur avait reçu l’ordre « d’affirmer publiquement la volonté de la France victorieuse de ne laisser porter aucune atteinte à la souveraineté française sur l’Algérie », et de prendre « toutes mesures nécessaires pour réprimer les agissements anti-français d’une minorité d’agitateur ». Les dirigeants des colons, ceux qu’on appelait les « cent seigneurs de la colonisation » cherchaient toutes les occasions pour stopper l’évolution de l’Algérie musulmane. Ils avaient même menacé de noyer dans un bain de sang toute velléité de réforme. Les manifestations de mai leur en donnèrent l’occasion. Face aux moyens mis en œuvre par le gouvernement français, l’administration algérienne et la colonisation, ceux du peuple algérien se révélèrent plus faibles. Le colonialisme put se maintenir. Il avait gagné un sursis.

La leçon 

L’agitation, la tentative d’insurrection avaient été la suite logique de la volonté d’action révolutionnaire des militants d’avant-garde du PPA, elles ont correspondu à l’impatience des masses qui voulaient, à l’instar des autres peuples, combattre pour leur indépendance et leur liberté. Si, sur le plan international, les conditions avaient été favorables, sur le plan interne, organisationnel, structurel, sur celui des moyens, les conditions de la lutte n’étaient pas remplies. Les nationalistes n’avaient pris en considération que les conditions politiques et psychologiques. L’ardeur révolutionnaire avait pris le pas sur la réalité coloniale. Il fallait oser. Qui peut faire grief aux nationalistes de l’avoir fait ? La leçon de l’échec sera retenue.

En novembre 1954, une autre étincelle jaillira. Mais cette fois l’organisation et l’unité disciplinèrent l’enthousiasme révolutionnaire et se révèleront supérieures aux forces et moyens matériels de l’adversaire. L’étincelle de novembre 1954 alluma le brasier révolutionnaire qui mit fin au colonialisme et réalisa les espoirs des martyrs de Mai 1945. Leur sacrifice n’a pas été vain.

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